vendredi 31 août 2007

L'art de dépasser un cycliste

La Tribune - Marc Frappier (Tribune libre)

M. Dominic Ferland,
Vous avez entièrement raison : l'article 486 du Code de la sécurité routière stipule que les vélos doivent circuler en simple file d'une taille maximale de 15 vélos. Toutefois, laissez-moi vous donner une autre perspective de cette pratique, car cet article ne résiste pas très longtemps à une analyse des conditions de sécurité et de fluidité de la circulation.

Premièrement, il est plus simple et plus rapide pour un automobiliste de dépasser une double file d'une longueur de 8 vélos qu'une simple file de 15 vélos, la première étant deux fois plus courte. Deuxièmement, si un véhicule peut dépasser sécuritairement une simple file, alors il peut aussi dépasser sécuritairement une double file.

La raison en est très simple: par manque d'espace suffisant sur la plupart des routes du Québec, on ne peut pas dépasser sécuritairement un vélo si un véhicule arrive en sens inverse ou bien si le champ de vision ne garantit pas une distance suffisante pour le dépassement. En bref, cela veut dire que le seul dépassement sécuritaire d'un vélo est le changement de voie. Dans ce cas, dépasser une simple file ou une double file offre les mêmes conditions de sécurité. De plus, la double file oblige le conducteur à attendre des conditions sécuritaires de dépassement.

En simple file, bien des conducteurs sont tentés de "prendre une chance" et de dépasser, même s'il y a un véhicule en sens inverse, en se disant que "ça passe", surtout si les cyclistes ne prennent pas leur place et roulent sur la ligne blanche.

Malheureusement, le concept "d'attendre" entraîne chez bien des conducteurs des hausses de tension artérielle. En Espagne, le Code de la route est plus clair que celui du Québec: un véhicule doit laisser une distance de 2 m (6 pieds) entre son véhicule et un vélo. J'y ai effectué deux voyages de vélo; chaque fois, j'ai pu constater un respect quasi religieux de cette règle, même par les poids lourds en grimpant une côte. À plusieurs reprises, des camions m'ont suivi bien patiemment, roulant derrière moi à 15 km/h durant deux ou trois minutes, afin d'attendre des conditions sécuritaires de dépassement. Pourtant, les Espagnols ont le sang un peu plus latin que nous.

Finalement, bien des conducteurs estiment que le vélo devrait "se tasser dans la garnotte" lorsqu'ils le dépassent, plusieurs se faisant même un plaisir de l'exprimer à grands coups de klaxon. C'est bien la dernière chose à faire pour un cycliste.

Une amie l'a appris à ses dépends tout récemment en voulant éviter un trou: elle a immédiatement chuté, le dénivelé étant trop grand et le gravier trop mou. Elle s'est retrouvée en plein milieu de la route. Heureusement, aucun véhicule ne nous suivait.