lundi 1 décembre 2008

Vélos : le danger des "angles morts"

Le Monde.fr - Eric Nunès

Un étrange camion orange entouré de larges bandes de velours rouge qui représentent les espaces que le chauffeur ne peut voir de son poste de conduite : cette mise en scène circule jusqu'à la fin décembre dans différents quartiers de Paris pour mettre en garde les cyclistes contre le danger des "angles morts". Ce problème de visibilité est en effet largement responsable des accidents mortels qui ont eu lieu dans la capitale cette année.

À chaque fois le même scénario se répète : "Un poids lourd s'engage pour un changement de direction sans apercevoir le vélo qui circule à son côté et c'est le drame", explique Annick Lepetit, députée (PS) et adjointe au maire de Paris chargée des déplacements, des transports. Elle devait lancer, lundi 1er décembre, une campagne de communication intitulée "Changeons de conduite. Partageons Paris" pour "un meilleur respect entre les usagers de l'espace public". Samedi 6 décembre, un des camions orange sera place Franz-Liszt, dans le Xe arrondissement.

Outre la sensibilisation sur le danger des angles morts, l'objectif est de rappeler aux usagers quelques "règles essentielles" de vigilance : garder un contact visuel avec le conducteur (si vous le voyez, il peut vous voir), ne jamais se porter à la hauteur des rétroviseurs d'un camion, ne pas le dépasser par la droite, ne jamais entreprendre un dépassement lorsqu'il manoeuvre et rester visible la nuit.

L'exercice vise également à inciter les utilisateurs de deux-roues à se mettre à la place du conducteur de poids lourd et inversement. "Paradoxalement, le cycliste a tendance à se sentir en sécurité lorsqu'il est à la hauteur de la cabine, à plus de 2 mètres des roues avant, explique un technicien de la voirie. C'est faux, car placé ainsi il ne pourra être vu. En revanche, s'il se maintient à un mètre des roues arrière, il est parfaitement visible pour le conducteur."

Entre 2001 et 2007, le trafic vélo dans la capitale a augmenté de 82 %, selon la Mairie de Paris, avec une accélération de 33 % entre 2006 et 2007. C'est avec l'arrivée du Vélib' que l'on note une forte augmentation des accidents mortels. En 2006, deux cyclistes avaient été tués dans la capitale. Le 15 juillet 2007, plus de 10 000 Vélib' étaient mis en circulation dans Paris, et, six mois plus tard, on comptait cinq décès de cyclistes dont un circulait sur un Vélib'.

2008 s'avère aussi meurtrière. Le 17 novembre, boulevard Massena, dans le 13e arrondissement, un camion-benne provoque la mort d'un cinquième cycliste en moins de onze mois. Depuis deux ans, dix personnes sont mortes à vélo, alors qu'il y avait eu seulement "14 cyclistes tués entre 1997 et 2006", indique la Mairie.

La sécurisation des transports "doux" (marche, vélo, rollers...) est une priorité pour la majorité municipale, qui a adopté, lors de la réunion du Conseil de Paris, lundi 24 novembre, la création de 200 kilomètres de réseau cyclable, soit une hausse de 50 % de l'existant d'ici à 2014. La Ville de Paris a aussi décidé de donner prochainement son feu vert à la circulation des vélos à contresens dans les rues où la vitesse de circulation est limitée à 30 km/heure.

"Il existe des rétroviseurs spéciaux, sans angles morts, rappelle Annick Lepetit. Nicolas Sarkozy, qui se dit concerné par les problèmes de sécurité routière, pourrait étudier de rendre obligatoire ce type d'équipement sur l'ensemble des poids lourds." "Une bonne idée", selon Manuel Marsetti de la Mutuelle des motards, qui rappelle que "la première cause d'accidents des deux-roues est le manque de détection des autres véhicules".

Quant à la RATP (Régie autonome des transports parisiens), qui partage 160 kilomètres de couloirs avec les pistes cyclables, elle explique que ses conducteurs sont sensibilisés au partage de la chaussée. Pourtant, le 2 mai, c'est à la suite d'un accident avec un bus qu'une jeune femme, roulant à Vélib', est décédée rue La Fayette.

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